Je l’ai fait ! J’ai survécu à ces trois jours d’
expérience unique que je ne suis pas prête d’oublier. Le premier jour fut le plus dur. Après avoir présenté mon
RSA à la tente dédiée au personnel on m’a amenée sur le stand de
Carlton Dry, une célèbre marque de
bière australienne. C’est ici que j’ai travaillé le plus longtemps durant tout le festival. J’ai fait la connaissance de Nick, le
manager du site. Jeune rouquin au cheveux longs, avec tatouages, piercing et gentil sourire, j’ai eu de la chance d’être tombée sur un manager comme lui. D’après certains échos tous les managers du Splendour n’étaient pas aussi agréables. Après avoir enfilé le
t-shirt de la marque de la bière, Nick m’a amenée sur l’un des
trois stands de Carlton Dry. Il m’a juste dit “saute ici” puis il est parti. Il m’a fallu quelques minutes pour intégrer ce que j’avais à faire. Mon travail consistait à ouvrir des
canettes en échange de
tickets que les festivaliers me tendaient. Avec juste deux différents types de
bières, une seule marque de
cidre et des
softs j’ai vite compris quelle était ma mission. Tout se passait plutôt bien jusqu’à ce que, 3 heures après Nick vienne me trouver avec un air embêté pour me dire qu’il devait me parler. Je me suis alors imaginée que je ne faisais pas l’affaire et qu’il allait me
virer. Il m’a en fait annoncé que j’allais malheureusement devoir aller travailler sur un autre site. On est venue me chercher pour m’emmener en enfer : le stand
Moët & Chandon Bar. J’ai su par la suite qu’on m’avait envoyée là-bas car j’avais fait mes preuves sur le premier site. Encore une fois, sans aucune explication on m’a
abandonnée derrière un bar où les gens faisaient du coude à coude pour pouvoir être servis. Cette fois je n’avais pas que des canettes à décapsuler, je devais aussi servir des verres de
20 différents types de vin et de
Champagne ainsi que des
bouteilles. Ouvrir des bouteilles de Champagne ne sera dorénavant plus jamais une redoutable
épreuve. Pour compliquer le tout, le bar acceptait de la
monnaie et des
cartes bleues. Bien sûr le manager était trop occupé pour m’expliquer le fonctionnement de la
caisse et du
terminal de paiement électronique. J’ai cru un instant que j’allais partir en courant. Puis j’ai essayé de ne pas trop réfléchir quand j’ai croisé le regard de mon
premier client. Un quarantenaire BCBG assez charmant qui s’est avérait particulièrement patient. J’ai du passer au moins 10 minutes avec lui. 10 minutes ponctuées de “I’m so sorry…” à chercher la bouteille de Champagne qu’il avait commandée, puis à l’encaisser. Une des filles de l’équipe a fini par le faire rapidement pour moi. Je n’ose pas imaginer le nombre d’
erreurs que j’ai du faire. Il m’a semblé à un moment avoir fait payer à une chanceuse cliente 12$ une bouteille de Champagne qui en valait 120. Après 1 heure dans cette arène j’ai commencé à prendre mes
marques. 3 heures plus tard j’étais tirée d’affaire car nous fermions enfin le bar.
J’ai eu ce soir là 30 minutes de pause. J’ai pensé en profiter pour manger quelque chose et aller écouter l’un des groupes que j’avais envie de voir. Les musiciens ayant eu du retard, je n’ai malheureusement pu assister qu’au 5 premières minutes du concert. Ce fut le seul que j’ai pu entrevoir de tout le festival.
Je suis rentrée à 1h30 dans une ambiance chaotique. Trop peu de navettes pour trop de gens. Certains étaient prêts à payer une fortune les conducteurs de voiture pour pouvoir rentrer chez eux. Heureusement Simon est venu me chercher.
Le dernier jour ne fut pas des plus faciles. Les autres jours, j’avais commencé à 17h30, mais le dimanche, j’ai débuté à 11h et fini à 0h30 avec à peine 15 minutes de pause pour avaler quelque chose. Le dimanche étant mieux payé que les autres jours, j’ai demandé à travailler plus. J’avais les mains gelées à prélever les boissons immergées dans l’eau pleine de glaçons. Les ongles détruits par l’eau froide à ouvrir des canettes. Mon pantalon trempé de glaciales éclaboussures et les pieds frigorifiés malgré mes bottes en caoutchouc et mes deux pairs de chaussettes. J’ai vu des milliers de visages défilés devant moi durant plusieurs heures sans interruptions. Des gens encore pleins de fraîcheur à midi puis au fil des heures j’ai vu leur état se dégrader par l’ivresse et les drogues, le regard perdu, incapable de compter jusqu’à 5 tickets pour avoir une autre bière. Certains me donnaient tous leurs tickets et me demandaient de les compter pour eux. L’ambiance de festival rend les gens agréables et souriants. On me demandait d’où venait mon accent (détectable seulement avec un “next please” !!??). J’ai été attristée de constater que pour beaucoup la France évoque dorénavant les attaques terroristes. Certains ont essayé de m’amadouer pour avoir des boissons moins chères ou gratuites. Quelques rares personnes ont même tenté de m’embrouiller pour éviter de payer.
Vers 21h j’ai montré les premiers signes de fatigue. J’ai commencé à faire des erreurs, je ne savais plus compter. Je n’avais plus que quelques heures à tenir. Ça devenait dur.
Je pouvais à peine marcher quand j’ai enfin terminé. Mais j’étais contente de l’avoir fait. Grâce à ces trois jours je pourrai ajouter dans mon cv que j’ai travaillé dans un bar à vin, que je sais faire des cocktails, que je peux me servir d’une caisse et d’une machine à carte bleue et que je suis capable de gérer en cas de grosse affluence. Je suis censée être payée 25$ de l’heure vendredi et samedi, et 30$ de l’heure dimanche. J’aurais travaillé en tout 27 heures et 30 minutes. D’après mes calculs et sauf mauvaise surprise, je devrai gagner à peu près 515€.
Mon seul regret aura été de n’avoir pas pu profiter de ce festival, qui vu de l’extérieur, semblait particulièrement irréel. L’un des plus importants festivals d’Australie, à 30 km de Byron Bay, des dizaines de milliers de personnes sur 267 hectares et une programmation alléchante. Je n’ai pu voir aucun concert ni même vraiment les entendre. Vu le prix du billet (255€ les 3 jours) et des boissons (7€ la canette de bière) je doute pouvoir me permettre un jour de m’y rendre en tant que festivalier.